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46 pèlerins du diocèse de Périgueux venant tout juste de chanter à pleine voix les Alléluia de Pâques se retrouvent en ce lundi matin 2 avril en route vers la Terre Sainte et n’hésitent pas à se saluer par un joyeux « Christ est ressuscité ». Le ton et l’esprit sont donnés : c’est à la lumière de la passion-résurrection du Christ que se vivra ce pèlerinage.
Six prêtres du diocèse nous accompagnent : les abbés Alain-Simon Adama, Jean-Pierre Body, Louis Ebela Nkou, Christophe Lafaye, Gautier Mornas et Jean Torcel.
Après un vol sans histoire via Istanbul, nous atterrissons dans la soirée à Tel-Aviv et prenons immédiatement la direction du désert du Neguev. En cette heure tardive, les pèlerins ont un peu de mal à trouver leur bungalow dans les dédales du kibboutz pour une courte nuit réparatrice. Puis le soleil matinal réveille chacun agréablement et sonne le vrai départ du pèlerinage.
Marche dans les gorges d’Ein Avdat et premier temps d’enseignement du Père Christophe. Évocation des patriarches, de la marche de ce peuple nomade en quête d’une terre et vers son Dieu : « Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, et va vers le pays que je te montrerai ».
L’eucharistie est célébrée dans les ruines d’une église byzantine à Avdat, ancienne citée fondée par les Nabatéens, puis nous gagnons Béer Sheva et entendons au puits d’Abraham un deuxième enseignement. Je retiens particulièrement le thème de l’engendrement, l’écoulement permanent de la vie de Dieu à travers événements, histoire et disponibilité humaine, cheminement jusqu’à trouver cette terre nouvelle en soi : Va vers toi .
Enfin avant de gagner notre hôtel à Arad pour une vraie nuit cette fois, nous prenons un temps personnel de méditation.
Départ le lendemain matin pour une page d’histoire judéoromaine du 1er siècle de notre ère avec la visite de la forteresse de Massada, haut-lieu de la résistance juive. Nous montons par la fameuse rampe romaine qui leur permit de lancer l’assaut final après un très long siège contre les résistants Zélotes. Mais ces derniers préférèrent le suicide collectif à la reddition et les Romains envahirent une place forte silencieuse et sans vie.
Nous continuons ensuite vers Ein Geddi, en bordure de la Mer Morte pour un traditionnel bain, expérience amusante et originale à défaut d’être très agréable, et poursuivons vers Qasr El Yahoud, lieu où l’on situe la prédication de Jean le Baptiste. Dans cet espace verdoyant et paisible le long du Jourdain, nous écoutons un nouvel enseignement ouvrant sur la période christique avec le baptême de Jésus « Tu es mon fils bien-aimé, aujourd’hui je t’ai engendré », et nous renouvelons nos promesses de baptême. Enfin, nous passons par Jéricho où nous nous arrêtons chez les Pères Franciscains pour y célébrer la messe.
Route pour Taybeh, l’ancienne Éphraïm biblique et étape de cette belle journée. Taybeh est le dernier village de Palestine entièrement habité par des Chrétiens. Ils sont de diverses églises (Latine, melkite et orthodoxe) -et donc de divers rites- et cherchent une certaine unité; c’est ainsi que cette année les Latins s’alignent sur les orthodoxes pour fêter en même temps Pâques, et ce sera le dimanche suivant. Nous sommes donc en pleine semaine sainte! Voilà pourquoi le lendemain la messe sera célébrée entre nous dans la chapelle et non avec la communauté(qui célèbre le Jeudi Saint).
Le matin du quatrième jour, l’une des sœurs qui nous reçoivent évoque d’une manière originale les paraboles évangéliques dans le cadre d’une maison où sont reconstitués les éléments quotidiens de la vie à l’époque du Christ. Une page d’évangile comme si on y était.
Après la messe et l’excellent repas préparé par les sœurs, nous partons vers Naplouse, ancienne Sychar et lieu où se situe la rencontre de Jésus et de la Samaritaine au puits de Jacob. Les temps de route sont très bien occupés par les commentaires de Georges, notre guide très apprécié, et se complètent avec les temps de parole de Christophe.
Après un petit temps de célébration autour du puits, nous croisons en partant un important groupe de pèlerins coptes. Nous en rencontrerons de plus en plus en allant vers Jérusalem, mêlés aux Éthiopiens, Russes et autres nationalités orthodoxes venus pour la fête pascale.
Route vers Tibériade en cette fin de journée et découverte émerveillée de cette belle mer intérieure. Notre logement, l’Oasis, est face au lac, dans un cadre beau et paisible. La pose de deux nuits consécutives est appréciée.
Cinquième jour autour du Lac. Certainement la journée la plus en prise avec l’évocation du Christ et des disciples par le biais de l’environnement naturel et des lieux inchangés : rivages, monts et collines, chemins … les transformations affectent la taille et l’aspect des villes, mais pas le paysage. La lecture des Béatitudes et le temps d’enseignement sur le Mont dominant le Lac, la descente à pied vers le rivage, l’eucharistie sur les galets mêlés d’herbes sauvages, l’évocation de la maison de Pierre devant les ruines restaurées à Capharnaüm, la prédication de Jésus dans les restes de la synagogue voisine nous ont amenés en fin de journée à embarquer jusqu’au milieu du Lac, où, tout moteur coupé, vingt minutes de méditation nous ont permis d’intérioriser toutes ces paroles du Christ entendues au long du jour et celles de la tempête apaisée. Le temps de partage qui suivit fut naturellement riche.
Départ le sixième jour vers Nazareth. Après un passage à la synagogue où Luc situe le début de la vie publique de Jésus au chapitre 4 « Il vint à Nazareth, où il avait été élevé. Selon son habitude, il entra dans la synagogue le jour du sabbat, et il se leva pour faire la lecture », nous avançons vers la Basilique de l’Annonciation pour nous recueillir devant la grotte qui servait de maison à la Vierge Marie quand elle entendit le message de l’Ange. Après la célébration de la messe, la Communauté du Chemin Neuf nous accueille pour un temps de vidéo en prise avec le thème du jour et un autre enseignement par Christophe suivi d’une lectio divina en petits groupes.
L’après-midi, départ vers Bethléem en passant par Abu-Gosh. Ce lieu fut identifié par les Croisés à l’Emmaüs des Évangiles. Ils y fondèrent à l’époque médiévale une abbaye maintes fois détruite puis restaurée pour devenir l’abbaye bénédictine Sainte-Marie de la Résurrection. Elle fut offerte à la France; l’architecture franque est d’une grande beauté. Le frère Olivier, moine bénédictin issu de la communauté du Bec-Hellouin, nous reçoit et nous parle avec humour de sa mission : comment il anime les rencontres entre populations de différentes communautés.
Arrivée à Bethléem en soirée et installation chez les Sœurs de Saint Vincent de Paul qui, pour principale activité, accueillent des enfants que des mamans n’ont pu garder. L’une des sœurs nous présente cette œuvre au service des familles, toutes musulmanes, et des enfants abandonnés de 0 à 6 ans, à l’histoire particulièrement douloureuse. La rencontre est émouvante, elle sera suivie le lendemain matin par une visite des lieux où les sourires des enfants en disent long sur le bien-être qu’il y reçoivent.
Aujourd’hui, c’est dimanche, et après avoir chanté aux Champs des Bergers la joie de la Nativité, nous partons pour la messe dans une paroisse Melkite (chez les Grecs catholiques). Nos prêtres célèbrent autour du Père Abou Saada, dans ce rite oriental (dit aussi byzantin) aux gestes et chants liturgiques signifiants et profonds. Puis le Père nous reçoit auprès de sa famille (il est marié, comme cela est possible dans l’église melkite) et de sa communauté pour le déjeuner.
Enfin vient le moment de l’entrée dans la basilique de la Nativité. Nous prenons place dans la file (qui nous parait raisonnable) pour descendre vers la grotte de l’Etoile, lieu de la naissance de Jésus. Au bout d’une heure pendant laquelle nous avons entendu via nos écouteurs des commentaires de Christophe, nous avons avancé de quelques petits mètres seulement. En fait, c’est le dimanche de la Résurrection pour les Orthodoxes et ils sont très nombreux ici, et comme la basilique est tenue par la communauté Orthodoxe, leurs groupes passent avant les autres! Au bout de 2 heures, sans plus d’espoir, nous renonçons. Grosse déception. Après la visite des autres lieux commentée par Georges, nous partons pour Jérusalem. Il nous reste alors le temps d’aller jusqu’au Saint-Sépulcre, tout proche du logement, pour une première approche. La promenade à travers les souks détend tout le monde et la perspective de poser les valises jusqu’à la fin du séjour est bien agréable. En soirée Marie-Armelle Beaulieu, rédactrice en chef de la revue « Terre Sainte Magazine », vient nous faire passer un moment extrêmement agréable en nous contant avec une verve réjouissante les particularités de cette terre et de ses habitants qui l’ont séduite au point d’y passer sa vie.
Le huitième jour commence par la visite du Mont des Oliviers, face à la Ville. Messe chez les Sœurs bénédictines du lieu et temps d’enseignement au Carmel du Pater. Certains cherchent le texte de cette prière en breton, basque ou occitan selon ses origines! Nous descendons à pied et repassons par le Saint-Sépulcre pour une visite explicative des lieux. La basilique a une histoire et un statut si complexes qu’il est nécessaire d’initier les pèlerins à petites touches. Nous y retournerons une dernière fois le lendemain pour la démarche spirituelle.
La journée se poursuit avec le passage au Mont Sion pour un temps de prière à l’église de la Dormition et au Cénacle, suivi de l’évocation du reniement de Pierre à l’église St Pierre en Gallicante. Nous suivons Jésus à l’heure de sa passion et sommes ainsi préparés pour l’Heure Sainte qui se tiendra en soirée à la basilique de Gethsémani. En attendant, un temps libre est le bienvenu et chacun s’égaille dans le souk.
Neuvième et dernier jour de notre pèlerinage. Certains se sont levés tôt pour espérer entrer dans le Tombeau avant de commencer la journée prévue. Hélas, tout ne se passe pas si bien, l’attente est longue et le groupe se scinde : certains rejoignant le guide pour les visites prévues, d’autres persévérant dans la file. Nous avons le temps de nous préparer le cœur à ce passage tellement court (25 secondes au plus), mais tellement fort « C’est alors qu’entra l’autre disciple, lui qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit, et il crut » Jn 20,8.
Surprise en sortant : la pluie! Pas prévue du tout, elle nous trouve sans protection et nous trempe de la tête aux pieds! Qu’importe, la journée se poursuit dans l’esprit du Vendredi saint : passage au Lithostrotos, le Christ y souffrit aux mains des soldats romains, fut insulté et mis en procès devant Pilate. Puis chemin de Croix, en partie sur la Via Dolorosa et sur les toits du Saint-Sépulcre, avec en finale, une méditation au Golgotha sur les sept paroles du Christ en croix.
Enfin, nous entrons dans la chapelle des Croisés du Saint-Sépulcre pour célébrer la messe de la Résurrection. C’est aussi la messe de clôture de notre pèlerinage et l’occasion de fêter le jubilé sacerdotal des pères Body et Torcel. Un beau lieu, un beau moment pour rendre grâce.
Tout s’achève sur le terrain, mais dans les cœurs tout commence. Au souffle du Saint-Esprit, nous sommes tout remplis de ce que nos yeux ont vu et nos oreilles entendu : chaque visite, chaque enseignement, chaque homélie prononcée par nos six prêtres ont peu à peu ouvert un lumineux chemin .
Après le retour, qui nous voit plutôt somnolents et une fois la fatigue évacuée, ce sera le moment de faire revivre ce temps hors du temps, de récolter, de partager, de faire fructifier … le temps de l’engendrement.
Marie-Agnès Delgorgue